23 août 2022
Par : Stéphanie Crites

La transition vers la retraite : il faut s’y préparer!

De l’enfance à la vie adulte, j’ai souvent entendu mes parents parler de leur retraite à venir. Inspirée d’une publicité, l’expression « liberté 55 » était populaire à cette époque pour décrire l’idéal en termes de retraite. On aspirait à arrêter de travailler à 55 ans et voyager, jouer au golf, passer du temps avec la famille, etc.   

Pourtant, au moment venu, je me souviens très bien de l’hésitation de mon père à quitter l’entreprise au sein de laquelle il avait tant évolué. Il ne voyait pas comment il pouvait transmettre 36 ans de pratique. Il semblait rechercher une relève bien spécifique qui lui permettrait de partir satisfait.  

Une retraite heureuse, ce n’est pas qu’une question financière 

Il est vrai que les années qui précèdent la retraite peuvent être difficiles : baisse de motivation, augmentation du stress, recherche de sens, insécurité, besoin de reconnaissance, etc. La planification à la retraite est souvent abordée en fonction de l’aspect monétaire et on parle peu de planification en termes des besoins sociaux et psychologiques qui y sont rattachés. Alors que la tendance est encore d’idéaliser la retraite, l’envergure de ce changement n’en est pas moins significative.

En effet, on constate que plusieurs retraités vivent des insatisfactions. Selon une étude de Statistique Canada de 2005, 20 % des personnes de 65 ans et plus souffrent de dépression. Selon Sylvie Lapierre, directrice du Laboratoire de gérontologie de l’UQTR, Il est fréquent qu’après un, deux ou cinq ans à la retraite, les gens se sentent déprimés, faute d’avoir réussi à concrétiser leur projet de retraite (Diotte, Bel âge). Par conséquent, à l’approche de cette transition, une planification plus large à la retraite est importante. Il faut faire un bilan de notre vie en nous questionnant sur nos valeurs, nos intérêts, nos motivations, nos forces et nos aspirations.  

Aujourd’hui, la retraite n’est plus considérée comme une finalité, mais plutôt comme un processus. Il ne faut pas voir cette nouvelle étape comme une fuite, mais plutôt à titre de continuité. Plusieurs questions se posent : qu’est-ce que j’ai acquis comme compétences et connaissances pendant mes années de travail? Qu’est-ce que je dois transmettre à la relève? À quoi ressemblera mon quotidien dans les prochaines années? Etc. Il s’agit de préparer son départ du travail, de bien vivre ces dernières années et de voir un chemin se tracer pour la suite.

Dans ce contexte, plusieurs actions peuvent être mises en place pour faciliter votre réflexion. Vous pouvez être accompagné par un expert, tel qu’un conseiller d’orientation, pour maximiser cette démarche. Il existe également certains cours de planification à la retraite. Par exemple, à force de voir « des gens d’expérience qui partaient mal » dans la fonction publique fédérale, Diane Doyon a eu l’idée des Cercles de legs (Jobboom). Il s’agit d’une démarche qui se fait en groupe et qui vise le développement de ce qu’elle définit comme le savoir-rester et le savoir-partir. Un accompagnement lors de la préparation à la retraite, tel que le cercle de legs, permet à l’individu de clarifier ses besoins et ses sources de satisfaction et d’insatisfaction dans sa vie. La démarche vise alors à amener la personne à redonner un sens à son quotidien et à en tirer une meilleure satisfaction.  

Peu importe le moyen utilisé, la préparation à la retraite est un processus qui a pour but de trouver l’équilibre pour ce nouveau chapitre de votre trajectoire. La retraite est une occasion de faire le point et de retrouver un sens à la vie.  

Une multitude de possibilités 

La retraite est associée à une certaine forme de liberté. Vous êtes l’acteur de votre retraite et le but est de vivre une expérience à votre image. Quel est mon projet de retraite? Deux personnes pourront répondre très différemment à cette question. Le travail à temps partiel, le travail autonome, le bénévolat, le mentorat, la famille, il existe autant de façons de redonner un sens à sa vie qu’il y a de retraités! 

Pendant les 10 premières années de leur retraite, mes parents ont toujours su s’investir dans des projets qui les nourrissaient. En plus de prendre soin de ses petits-enfants, ma mère a eu le goût de redonner à la communauté par du bénévolat dans un centre de personnes âgées. Mon père, en plus de reprendre la peinture, a toujours gardé quelques clients à titre de planificateur financier. Il s’est également impliqué, plusieurs années, dans le comité de quartier. Aujourd’hui, ils ont choisi de se rapprocher de la ville pour s’impliquer dans de nouveaux projets. Mon père m’a d’ailleurs annoncé qu’il était à la recherche d’un nouvel emploi temps partiel. 

La perspective de développement de carrière demeure pertinente au regard de la retraite.  L’époque où les travailleurs se faisaient offrir de prendre leur retraite à 55 ans est révolue. Le taux d’activité des personnes de 55 ans et plus a considérablement augmenté depuis le début du siècle. Les facteurs ont contribué à cette hausse. On note entre autres l’accroissement de la durée de vie, l’augmentation du cout de la vie, le manque de main-d’œuvre et la valorisation de la performance.  

De nos jours, le travail n’est plus réservé qu’aux personnes qui veulent combler un manque à gagner. Il sourit à tous ceux et celles dont le besoin de réalisation et d’accomplissement s’avère essentiel et prioritaire. Cependant, à l’âge de la retraite, il est normal de ne pas revenir sur le marché du travail au même rythme et dans les mêmes conditions qu’avant. Pour réussir sa conciliation travail-retraite, il faut définir ce que vous voulez offrir et les conditions de travail qui conviennent à votre vie actuelle. Ensuite, vous devez établir le secteur d’activités qui répondra à vos besoins. 

Transfert d’expertise 

D’un point de vue organisationnel, plusieurs entreprises semblent peu soucieuses de préparer la transition à la retraite des travailleurs. Lorsqu’il y a une période de transition, elle est souvent de courte durée. Pourtant, les générations qui partent ont emmagasiné des années d’expérience et par conséquent, plusieurs connaissances et compétences.

La passation de ces expertises de génération en génération est importante pour la performance de l’organisation dans le contexte du marché du travail actuel. De plus, le fait de devoir laisser un héritage motive le travailleur en fin de carrière qui sera stimulé par ce projet de transfert. Selon Maxime Chouinard, conseiller en développement organisationnel à HDO, le retraité peut partir avec ce qui était en partie l’avantage concurrentiel d’une société (Tremblay, La Presse). Certains apprentissages doivent être transmis et ne peuvent se faire par le biais de formations. L’absence de plan de transition a également une incidence négative sur la relève qui a la pression de prendre le relais. Bref, ce transfert de connaissances est bénéfique pour l’individu, pour l’organisation ainsi que pour la relève. Il s’agit d’un processus indispensable qui assure une rétention du savoir organisationnel et de la richesse de l’expérience acquise.  

Le partage de connaissances demande beaucoup de rigueur et de collaboration. Il est donc important, à titre de gestionnaire, d’accompagner les ressources en fournissant les outils et l’environnement propices à leur réussite. Le transfert doit s’effectuer à l’aide d’un plan détaillé et on doit lui accorder un temps suffisant. 

Pour conclure, contrairement à d’autres pays où il y a un âge d’entrée en retraite obligatoire, au Québec, cette loi n’existe plus depuis 1982. Chaque individu peut maintenant choisir le moment de son départ. L’augmentation de la longévité et l’amélioration de l’état de santé permettent aux travailleurs d’entrevoir la retraite comme une nouvelle période de vie. Cependant, la retraite est une transition de taille qui ne s’improvise pas. Cela étant, il est important d’entreprendre les démarches nécessaires afin de s’y préparer dans le but de vivre une période de transition harmonieuse. Les employeurs gagnent à s’investir dans la préparation à la retraite de ses travailleurs dans le but de recueillir leurs perspectives et leurs connaissances. Pour demeurer compétitives et amoindrir les conséquences démographiques négatives, la démarche en vue de se préparer à la retraite doit être une partie intégrante d’une démarche organisationnelle. 

Stéphanie Crites
 
Stéphanie Crites, C.O

Leader en développement professionnel, coach et conseillère d’orientation chez EPSI

Références

GAGNÉ, Geneviève, Pourquoi parler orientation à la retraite-partie 1, revue Orientaction,  2020 

LEMAY, Alain, La carrière après 50 ans : où en êtes-vous et où souhaitez-vous aller?, TrouveTONX, 2022 

SCHELLENBERG G., TURCOTTE M., RAM B., Qu’est-ce qui rend la retraite agréable? Statistique canada, No. 11-008, 2005  

RAYMOND L., PARENT R., DESMARAIS L., LECLERC L., Coffre à outils sur le transfert des connaissances : une approche proactive, Université de Sherbrooke, 2009 

TREMBLAY F., Départs à la retraite : un transfert d’expertise trop rare, La Presse, 2015 

MAURAIS Y., Vivre pleinement sa retraite : conseil et stratégies pour rester actif sur le marché du travail, Septembre éditeur, 2021 

POUPARD D., La retraite, une transition de taille, Le journal des psychologues, 2010 

DIOTTE S., Le secret d’une retraite heureuse, Revue BEL ÂGE 

Transmission des connaissances | Entreprises Québec (gouv.qc.ca)