7 février 2017

Le bon côté des commérages

Bien que la plupart des gens ne se considèrent pas comme des commères, ils ont probablement déjà pris part à des commérages à un moment ou à un autre de leur vie. Même si le terme « commérages » a une connotation négative dans notre culture, il s’agit simplement de conversations à propos d’une personne qui n’est pas présente. Il est possible que les employeurs dont les employés partagent des espaces de travail ou collaborent étroitement s’inquiètent de l’incidence négative des commérages sur le rendement et le moral de leur personnel. Par contre, les commérages sont-ils réellement une mauvaise chose ?

Avant de s’attaquer à l’incidence des commérages en milieu de travail, il est important d’établir des principes de base. Nous devons d’abord répondre à la question suivante : qui fait des commérages ? La réponse est simple : tout le monde. Des chercheurs estiment qu’au moins 14 % des conversations durant les pauses sont considérées comme des commérages. En ce qui concerne les commérages entre collègues sur le travail, on constate que ce comportement est le fait des hommes et des femmes. Il y a des commérages à tous les niveaux de l’organisation, des employés de première ligne à la direction.

La deuxième question est celle‑ci : quel est le sujet de ces commérages ? La réponse à cette question est plus complexe, puisque la nature des commérages peut énormément varier en fonction de l’organisation et du type d’employés, et peut même concerner les nombreuses organisations qui ne participent pas à la conversation. Par conséquent, les commérages peuvent couvrir un large éventail de sujets, passant de récentes promotions à des difficultés conjugales. Et alors que les employés colportent des ragots à ces propos et sur tout ce qui les entoure, on peut constater une tendance générale quant au commérage en milieu de travail.

D’abord — et c’est peut-être là le point le plus important — une recherche nous a permis de déterminer que, de manière générale, les commérages des employés sont plus souvent positifs que négatifs. Il s’agit notamment de renseignements, qui ne portent pas préjudice à la personne ciblée — comme le fait d’informer d’autres collègues de la récente performance d’une personne lors d’une présentation, ou encore qu’un ou une collègue est récemment devenu grand-père ou grand-mère. Les employés ont tendance à faire des commérages positifs sur les membres de leur groupe de travail, mais également, dans une moindre mesure, des commérages plus négatifs à l’encontre des membres de leur groupe de travail, que d’autres collègues. Les gens ont tendance à colporter davantage de commérages sur les personnes avec qui ils travaillent le plus, d’abord parce qu’ils en savent plus sur ces personnes et aussi parce que ce sont les personnes qui les intéressent le plus.
Selon une autre recherche intéressante, il semble que certaines personnes au sein d’une organisation donnée soient plus susceptibles d’être la cible de commérages. Étonnamment, les personnes occupant un poste plus élevé ne sont pas plus susceptibles de faire l’objet de commérages, de manière générale. Cependant, bien que la plupart des employés n’utilisent pas leurs pauses pour faire le procès de leurs patrons, cela ne veut pas dire qu’ils ne le font pas. Il semble que, dans la plupart des cas, les groupes de travail comptent une personne ou deux qui est la principale cible de commérages négatifs. Il s’agit souvent de l’employé « bouc émissaire » qui ne s’intègre pas nécessairement bien sur le plan social dans le groupe de travail. Les commérages négatifs à propos de cette personne font en sorte que les autres membres du groupe tissent des liens plus serrés et la rejettent davantage. Bien qu’il ne soit pas toujours la personne la plus touchée par les commérages au sein de l’équipe, le patron n’est pas à l’abri de la vindicte populaire. Les superviseurs et les gestionnaires qui sont perçus comme étant froids ou peu dignes de confiance par leurs employés sont encore plus susceptibles de faire l’objet de commérages négatifs. Les gestionnaires qui ne communiquent pas souvent avec leurs employés sont également des cibles fréquentes. C’est pourquoi il incombe aux personnes en position d’autorité d’avoir régulièrement des interactions positives et transparentes avec leurs employés. S’ils ne le font pas, leurs employés établiront simplement un lien de confiance avec les membres de leur équipe et se lasseront de leur gestionnaire.

Qu’en est-il des commérages positifs qui constituent prétendument la plupart des bavardages en milieu de travail ? Une grande partie des conversations à propos d’autres collègues ne sont pas engagées pour de mauvaises raisons, mais bien pour échanger des renseignements importants. Par exemple, bien qu’à première vue le fait qu’un employé raconte à un collègue que leur superviseur est toujours de mauvaise humeur le matin semble négatif, en définitive, il s’agit plutôt d’un avantage pour le deuxième employé, qui peut maintenant éviter les conflits inutiles avec le superviseur. Une grande partie de l’information informelle concernant le fonctionnement d’une organisation peut être transmise par des commérages.

C’est grâce à ce type de conversations que les employés apprennent quels collègues sont les meilleurs pour une tâche donnée, ainsi que ceux qu’ils doivent éviter d’inviter dans les projets de groupe. L’échange de renseignements qui valorisent la personne faisant l’objet de la discussion, comme des compliments sur ses qualités personnelles ou sur son travail, en fait également partie. Ce genre de conversations informelles, tout comme celles où de l’information négative est échangée, servent également à créer des liens entre les collèges et à augmenter la confiance interpersonnelle.

Nous savons tous, à la fin de la journée, que des commérages ont été rapportés et, dans la plupart des cas, il s’agit en fait d’un élément assez utile pour l’organisation. Par conséquent, au lieu de vouloir contrôler les autres, ou de s’inquiéter des propos qu’ils font, assurez-vous seulement que les renseignements échangés sur les autres sont exacts et utiles pour la personne qui les reçoit. En ce qui concerne les commérages négatifs, réfléchissez à la raison pour laquelle vous les colportez, parce que vous pourriez avoir de nombreux autres sujets de conversation qui vous permettraient de nouer de nouvelles amitiés !

Références :
KUO, C. C., K, CHANG, S. QUINTON, C.Y. LU et I. Lee. “Gossip in the workplace and the implications for HR management: a study of gossip and its relationship to employee cynicism”, The International Journal of Human Resource Management, 26(18), 2015, p. 2288-2307.
ELLWARDT, L., G.J.LABIANCA et R. WITTEK. “Who are the objects of positive and negative gossip at work?: A social network perspective on workplace gossip”, Social Networks, 34(2), 2012, p. 193-205.
ELLWARDT, L., R.WITTEK et R. WIELERS. “Talking about the boss: Effects of generalized and interpersonal trust on workplace gossip”, Group & Organization Management, 1059601112450607, 2012.
KURLAND, N. B. et L. H. Pelled. “Passing the word: Toward a model of gossip and power in the workplace”, Academy of management review, 25(2), 2000, p. 428-438.