12 septembre 2022
Par : Andréanne Thibault

Le « quiet quitting » : un cri du cœur qui ne fait pas de bruit!

Phénomène de l’heure à terminologie frappant l’imaginaire, c’est le moins qu’on puisse dire. Le quiet quitting, ce qui a été baptisé en français la « démission en douce » ou « démission silencieuse » ne fait pas référence à une démission telle qu’on la connait, mais plutôt à un refus d’en faire plus que le minimum requis.

Les deux dernières années ont précipité un réalignement de valeurs et de priorités pour la majorité d’entre nous, par la force des choses. Semble que l’humain avait besoin d’une bonne claque au visage pour faire un cours d’introspection accéléré à l’université de la vie.

Contrairement au phénomène de la grande démission dans lequel une vague sans précédent d’employés ont changé d’emploi et même parfois carrément réaligné leur carrière, la démission silencieuse est plutôt une force de rébellion douce… en poste.

Simplement dit, il s’agit de faire la base de ce qui est attendu de nous en échange du salaire offert. Ni plus, ni moins (pour ne pas se faire congédier non plus, tsé!).

Dans un monde dans lequel, naguère, le dépassement de soi professionnel était valorisé, force est d’avouer que c’est un changement de cap radical. L’image de l’employé.e qui ne compte pas ses heures au détriment de sa vie personnelle, de sa famille, de ses amis, de ses passions, et ce, pour escalader l’échelle corporative s’est manifestement ternie et ne semble plus aussi attirante.

Plusieurs gérants et gérantes d’estrade ont même la fâcheuse tendance à qualifier le phénomène de paresse, même si la réalité décortiquée ne pointe pas réellement dans ce sens.

Pourquoi? À cause?

(comme dirait mon collègue du Saguenay!)

À cause… de plusieurs affaires!

  • Accroissement de la sensibilisation à l’importance de la santé mentale

La santé mentale est un sujet de plus en plus abordé et normalisé. Les personnes quittent leur silence, se montrent ouvertes et vulnérables, créant ainsi un mouvement de société axé sur le bien-être. Plusieurs d’entre nous ont vécu ou côtoyé des personnes s’étant épuisées au travail, se donnant bien souvent beaucoup trop, au détriment d’eux-mêmes. Malheureusement, nous apprenons à connaitre nos limites… le jour où on les transgresse!

  • Changement de valeurs générationnel

Contrairement à la croyance selon laquelle « les-jeunes-ne-veulent-pas-travailler », les « jeunes » veulent travailler… mais pas à n’importe quel prix. Et quand je dis « prix », je parle OUI du salaire, mais aussi d’un travail qui ne sera pas au prix de leur qualité de vie. Ils sont également plus conscients de leur valeur, la pénurie de main d’œuvre les positionnant désormais comme un avantage concurrentiel.

  • Manque de reconnaissance

La reconnaissance est une dimension importante de l’expérience employé d’aujourd’hui. Pourquoi en faire plus que nécessaire sans même un petit sentiment d’appréciation de la part de l’employeur ou de l’employeuse?

  • Manque de sens

Surtout pour les tâches plus routinières et transactionnelles, un employé peut rapidement se démotiver et perdre de vue le « pourquoi » de la chose, l’incidence immédiate qu’entraine cette tâche. Alors pourquoi donc en faire plus si déjà le minimum demandé est peu stimulant et vide de sens?

  • Salaire non ajusté au cout de la vie

La notion de travail fait référence à une entente entre deux parties, l’une offrant une rémunération en échange des efforts/de la prestation de travail de l’autre. Il s’agit d’un équilibre délicat, fort fragile au départ. Les conséquences de l’augmentation significative du cout de la vie (épicerie, logements, essence, etc.) fait rapidement basculer cet équilibre, créant un sentiment d’inégalité entre l’effort fourni et la rémunération offerte. Dans un tel contexte, pourquoi un employé voudrait-il en faire plus que requis?

  • Droit à la déconnexion

Les canaux de communication n’ayant jamais été aussi disponibles et accessibles, un p’tit texto, un p’tit courriel, un p’tit coup de fil hors des heures de travail sont des bons exemples que la semaine de travail traditionnelle du lundi au vendredi 8 à 5 ne possède plus des limites aussi précises qu’auparavant.

Que faire?

Prendre le pouls fréquemment :

Sondage, rencontres de groupe, tête à tête, entretiens de départ, entretiens de fidélisation, peu importe la façon, mais écoutez vos employés en continu. Il s’agit d’une pratique incontournable de mobilisation et pratique-clé d’une forte marque employeur.

Clarifier les attentes dès l’embauche :

Les humains ont besoin de clarté pour bien se repérer, et certains encore plus que d’autres. Au-delà de la fameuse description de poste/affichage, il est important de mettre cartes sur table dès le début du processus de recrutement sur les attentes respectives des deux parties (tâches connexes, charge de travail, niveau de stress, tâches hors heures de travail, conditions, etc.). N’hésitez pas à reclarifier le tout dès l’intégration et en cours de route au besoin. La transparence peut gagner bien du temps à tous au bout du compte!

Offrir de la reconnaissance :

Outil sous-estimé qui entraine des retombées intéressantes, il existe des dizaines de sortes de reconnaissances et des centaines de façons de démontrer aux employés l’importance de leur travail et votre satisfaction à leur égard… (bien plus que le salaire!)

Suivre le marché :

Le marché évolue rapidement et bien plus qu’avant. Assurez-vous de suivre les tendances du marché afin de bien vous positionner et corriger le tir le cas échéant!

  • Les KPIs : ce qu’on mesure s’améliore! Il est important de mesurer ce qui peut parfois paraitre intangible… tel que le désengagement. Comment entendre un cri silencieux?

Eh bien, voici quelques pistes :

  • Vos délais de livraison sont-ils plus élevés qu’à l’habitude?
  • Le moral des troupes est-il plus bas?
  • Quelles sont les causes de départ?
  • Pour quel type de poste?
  • Vers quel type d’organisation vos employés les plus performants se tournent-ils ?

Bref, il s’agit à mon avis d’une tendance réversible pour les organisations qui sauront s’ajuster et entendre le message derrière ce cri silencieux. Pour celles qui sauront entendre mais surtout agir en conséquence.

Comme quoi l’expression « Qui ne dit mot consent », n’est peut-être pas si vraie!

 
Andréanne Thibault, CRIA

Leader Talents & Culture / Consultante principale