12 octobre 2022
Par : Joël Durivage

Contexte socio-économique difficile : Est-ce nécessaire d’investir dans ses RH?

Les 5 à 7 corporatifs demeurent à mon avis, encore à ce jour, le meilleur moyen de jauger des pratiques RH chez d’autres organisations. Ce format permet de discuter spontanément de divers enjeux avec des intervenants de milieux variés. Ce n’est que récemment, lors d’un 5 à 7 organisé par une organisation de formation des leaders, que j’ai entendu un commentaire qui m’a fait beaucoup réfléchir. En quelques mots, un gestionnaire d’une organisation privée de grande envergure a mentionné qu’« il ne vaut plus la peine d’investir dans les processus d’embauche, car les candidats d’aujourd’hui partent aussitôt qu’ils doivent faire une évaluation d’embauche ».

Pour vous donner un peu de contexte, ce gestionnaire faisait référence aux difficultés qu’il vivait depuis la dernière année à attirer et retenir les talents. En outre, celui-ci avançait que le contexte économique incertain en plus du plein emploi au Québec l’avait découragé d’investir dans ses processus d’embauche. Bien que le gestionnaire s’en soit limité à ces commentaires, sans approfondir sur ses réflexions, le sujet m’est resté dans la tête les jours suivants.

Bref, je me suis posé la question suivante : Le contexte socio-économique actuel justifie-t-il que des employeurs réduisent leurs efforts en matière de recrutement? Cette question m’apparait intéressante et d’actualité et je propose, dans cet article de blogue, d’étudier certains enjeux qui y sont reliés afin de tenter d’y répondre.

Pour mieux répondre à cette question, j’ai essayé de me la poser sous un angle différent; est-il toujours pertinent d’investir nos ressources dans la mesure du potentiel des personnes candidates ou est-il préférable d’accélérer le processus afin de recruter plus facilement?

C’est une des questions que mes clients m’ont souvent posées dans les deux dernières années. Effectivement, ces personnes voient leur bassin de candidats diminuer d’année en année et peuvent parfois perdre certains d’entre eux lors de processus comportant des outils d’évaluation du potentiel. Ces dernières mentionnent que l’investissement dans les processus de sélection peut créer un ralentissement des embauches en raison du temps imparti aux évaluations. Par conséquent, certains clients pensent à alléger leur processus afin de réduire le nombre de personnes candidates qui se désistent lors d’affichages de postes.

L’enjeu

D’une part, pourvoir des postes vacants constitue une priorité pour de nombreuses organisations et la tâche n’est pas aisée. Institut Québec estime qu’il y a 245 470 postes vacants en 2022 au Québec et que le ratio entre le nombre de chômeurs et le nombre de postes vacants est à un creux à 0,8 [1]. Ceci nous indique que le nombre de travailleurs sur le marché est faible et que les employeurs se retrouvent dans une position de concurrence pour attirer ceux-ci.

Cette situation nous mène à penser que la priorité actuelle est de simplement trouver des employés pour combler les postes, peu importe qui les comblera; qu’il est trop risqué de continuer à ériger des critères de mesure lors de nos processus d’embauche, de peur de perdre des candidats.

Donc, par faute de grives, devrions-nous manger des merles? Afin de répondre à cette question, nous devons voir les coûts que pourrait engendrer une mauvaise embauche afin de déterminer s’il est viable de diminuer ses standards d’embauche en assumant le risque de recruter la mauvaise personne.

Coût monétaire

Le coût d’une mauvaise embauche est difficile à calculer, car beaucoup de facteurs peuvent y être touchés. Nous pouvons rapidement penser aux coûts qui sont reliés à trouver et embaucher les candidats. Cependant, les coûts vont plus loin que cela quand nous regardons l’ensemble des intervenants qui sont sollicités lors de l’embauche d’un nouvel employé. Pensons par exemple aux personnes mobilisées pour former l’employé, aux RH et à la comptabilité qui seront sollicités dans le processus. Les coûts s’additionnent et il a été estimé lors d’une étude réalisée par Bounds, D., CEO, & Breezy qu’une mauvaise embauche pouvait coûter 70,000.00 $ en moyenne [2].

Coût de productivité

Une mauvaise embauche aura des conséquences importantes pour la productivité d’une équipe. Non seulement le temps qu’il aura fallu pour trouver, embaucher et former l’employé aura été en vain, mais le processus sera à recommencer. Cette situation pourrait avoir freiné l’élan de certaines équipes qui attendent après de nouvelles ressources pour atteindre leurs objectifs.

Coût sur le moral des employés

Le coût le plus important à payer lors d’une mauvaise embauche est celui sur le moral des employés. Une mauvaise embauche n’est jamais facile autant pour l’employeur que pour la personne embauchée qui n’a pas su répondre aux attentes. Cependant, les employés aussi seront touchés par cette situation de plusieurs façons. Que ce soit par le manque de productivité qui force les employés à récupérer des tâches des destinées à l’employé embauché ou par le stress que peut causer un congédiement d’un nouveau collègue. De nouveaux employés qui ne sont pas assez performants peuvent aussi avoir un effet pervers sur autrui en créant un des nouveaux standards inadéquats. « Il est important de noter que les mauvaises embauches ont un effet d’entraînement. Le désengagement est contagieux – les employés peu performants abaissent la barre pour les autres membres de leur équipe et leurs mauvaises habitudes se propagent dans toute l’organisation [3] ».

Quelle est la cause de ces mauvaises embauches?

L’étude réalisée par CareerBuilders nous indique que la cause des mauvaises embauches est fortement influencée par la démarche d’évaluation des candidats lors de l’embauche. Effectivement, ceux-ci ont mesuré que 33 % des mauvaises embauches étaient dues aux gestionnaires d’embauche qui se fiaient seulement que sur leur intuition pour embaucher et non sur des outils de mesure fiables. Un autre 29 % était la cause de mauvaise sélection des outils de mesure, où les gestionnaires d’embauche évaluaient seulement le savoir-faire et non le savoir-être. Bien que dans 30 % de ces cas, les gestionnaires avaient essayé d’accélérer le processus d’embauche pour répondre à la pression d’embaucher rapidement, ceux-ci ont d’embaucher.

Verdict

En conclusion, l’embauche de vos futurs talents s’avèrera, certes, un défi. La pression d’embaucher et la difficulté de combler les postes restera un enjeu pour beaucoup d’employeurs. Cependant, il ne faudra pas baisser les bras et diminuer ses standards d’embauches. Effectivement, diminuer ses standards d’embauche aidera à combler vos sièges vides, mais ne vous garantira pas de trouver les bonnes personnes aux bonnes places. Les conséquences de cette diminution des standards d’évaluation ne valent pas la chandelle. Nous recommandons de maintenir vos processus d’évaluation des personnes candidates à l’aune de vos postes à pourvoir.

 
Joël Durivage

Gestionnaire, Architecte d’affaires

Références

[1] IDQ. (2022, 23 juin). Regard sur les postes vacants : les secteurs durement touchés augmentent davantage les salaires horaires offerts. Publications sur la main-d’œuvre, Institut du Québec. https://institutduquebec.ca/regard-sur-les-postes-vacants-la-croissance-ralentit-les-salaires-ne-suivent-pas-la-hausse-du-cout-de-la-vie/

[2] Bounds, D., CEO, & Breezy, H. R. (2019). Why a bad hire is bad for your bottom line. Brentwood: Newstex. Retrieved from https://apps.uqo.ca/LoginSigparb/LoginPourRessources.aspx?/blogs-podcasts-websites/why-bad-hire-is-your-bottom-line/docview/2252907970/se-2

[3] Rosemary H, Nearly three in four employers affected by a bad hire, according to a recent CareerBuilder survey: – the average cost of one bad hire is nearly $15,000; average cost of losing a good hire is nearly $30,000. (2017, Dec 07). PR Newswire Retrieved from https://apps.uqo.ca/LoginSigparb/LoginPourRessources.aspx?/wire-feeds/nearly-three-four-employers-affected-bad-hire/docview/1973337583/se-2