6 avril 2023
Par : Stéphanie Crites

La collaboration intergénérationnelle au travail

Les organisations sont maintenant composées d’une grande diversité sur le plan des générations. L’ensemble de la population active mondiale est aujourd’hui représenté par 4 générations : les baby-boomers, la génération X, la génération Y et depuis peu, la génération Z.

L’importance d’une réflexion sur le concept de génération et sur les spécificités générationnelles a été soulignée par plusieurs chercheurs depuis les années 50. Actuellement, bien que les études concordent sur l’existence de 4 générations sur le marché du travail, il y a des divergences sur la façon de désigner ces générations et sur les caractéristiques de celles-ci. Le portrait des générations doit donc être interprété avec prudence, car les caractéristiques et les valeurs associées à chaque groupe ne sont que des tendances qui ne s’appliquent pas à la totalité des individus.

Chaque génération a évolué en raison de circonstances particulières ou d’évènements historiques qui ont façonné une tendance pour chaque groupe en matière de valeurs et d’attentes face au travail.

Tendance selon les générations

Il y a une panoplie de livres ou d’articles sur la description et l’analyse des dites générations. Pour résumer, on peut mettre l’accent sur les grands thèmes associés à chacune d’entre elles. Les baby-boomers (personnes nées avant 1960) ont un niveau d’engagement élevé envers l’entreprise et ils accordent une place centrale au travail dans leur vie. Leur parcours de travail est linéaire et ils éprouvent un respect pour l’autorité et la hiérarchie. Les boomers aspirent à la stabilité et à la sécurité d’emploi.

La génération X (personnes nées dans les années 60-70) est restée plus longtemps sur les bancs d’école. Elle remet en question l’autorité, les structures très hiérarchisées et la communication verticale. Ces travailleurs qui ont le sens de l’entrepreneuriat accordent une importance marquée à l’équilibre de vie.

La génération Y ou Why, ou millénariaux (personnes nées en 80-90) a une soif de liberté et d’autonomie. Elle met l’accent sur la quête de sens, valorisant la créativité et l’innovation. C’est la génération de la gestion collaborative qui mobilise l’intelligence collective.

Finalement, la génération Z constituée des personnes nées au 21e siècle. Cette génération hyper connectée, exigeante sur la qualité des emplois et sur les possibilités de progression, accorde de l’importance à la flexibilité, la diversité, la convivialité, et à l’implication dans les enjeux de société.

Ces tendances sont utiles pour éveiller aux différences générationnelles dans les organisations. Cependant, il faut utiliser ces concepts en dépassant les étiquettes et construire sur ces différences.

Cohabitation harmonieuse et efficace

Certains auteurs démontrent que les différences entre les générations peuvent rendre la cohabitation difficile au sein d’une même organisation. On souligne entre autres des conséquences telles que la détérioration des relations au travail, des ambiguïtés de rôle, perte d’efficacité, absence de motivation collective, etc. Il est vrai que ce mélange de générations qui se côtoient, échangent et travaillent ensemble peut susciter des inquiétudes. Malheureusement, trop d’importance a été accordée à la gestion séparée des âges, plutôt que sur le développement d’une synergie entre les générations. Pourtant, cette collaboration est essentielle puisqu’elle a un impact sur la performance de l’entreprise.

Alors, comment favoriser la collaboration intergénérationnelle au travail? Gestionnaires, conseillers en ressources humaines et employés, tous jouent un rôle clé dans la stimulation de cette collaboration, par la mise en place de diverses initiatives. Voici quelques pistes d’action :

Culture d’entreprise

D’abord, pour que les générations cohabitent efficacement, il faut travailler sur une culture d’entreprise inclusive qui favorise le « travailler ensemble ». Il est important pour l’organisation de souligner l’importance accordée à la collaboration de tous et à l’intelligence collective. On doit expliquer en quoi cette cohabitation intergénérationnelle peut être source d’innovation et de performance. En ce sens, il peut, par exemple, y avoir la mise en place d’une démarche de sensibilisation. L’organisation peut également réunir les employés autour d’objectifs et de valeurs communes qui vont donner du sens à l’action collective. Les entreprises peuvent également inclure l’interaction entre générations dans le parcours d’intégration des nouvelles ressources.

Les organisations doivent encourager la création d’une culture d’entreprise fondée sur une vision positive des différences.

Communication efficace

Afin de favoriser une culture d’entreprise basée sur l’ouverture, les employés doivent se sentir à l’aise de partager leurs idées et leurs points de vue.

Il est important de favoriser la communication et de créer des moments de partage entre les différentes générations de travailleurs. Sur le plan formel, il peut y avoir des ateliers collaboratifs ou des rencontres de discussion. De manière informelle, il est possible de favoriser la cohésion par des moyens tels que des activités de consolidation d’équipe ou des évènements collectifs qui visent à créer un lien entre les employés.

Le gestionnaire doit être à l’écoute des employés afin de recevoir les perceptions. Il doit également être prêt à intervenir lors de potentiels conflits générationnels. Le leader doit veiller à un climat harmonieux en étant attentif à ce qui se passe, et après avoir compris les enjeux, il doit favoriser l’entente et la communication interne.

Apprentissage mutuel

Le mentorat réciproque est une méthode de partage de connaissances très intéressante pour favoriser la collaboration intergénérationnelle. Il s’agit d’une relation d’apprentissage dans laquelle une personne offre, sur une base volontaire, son expertise à une autre personne. Il est possible de jumeler un junior avec un senior afin que chaque génération en apprenne de l’autre. Ce contact entre 2 réalités permet une meilleure acceptation des différences. Le sénior apporte son expérience, mais aussi de la culture d’entreprise. Le junior pourra quant à lui apprendre de nouvelles manières de travailler au sénior. Cette technique favorise la motivation des employés et elle permet d’augmenter la performance.

Le co-développement peut également être une approche stimulante du travail collectif intergénérationnel. Cette démarche permet à une personne d’exposer à ses pairs une problématique afin de recueillir des solutions possibles de leur part après une phase de questionnement. La diversité des générations dans un groupe de co-développement permet de partager une variété de compétences.

Équipes multigénérationnelles

Lorsqu’on arrive à faire travailler plusieurs générations en fonction d’un objectif commun, on aboutit à des solutions efficaces et innovantes. Le gestionnaire a donc intérêt à mixer les générations afin de tirer profit des compétences diversifiées. Au sein d’une équipe intergénérationnelle, le gestionnaire doit préserver l’esprit de collaboration. Il doit s’assurer que chaque membre se sente à sa place.

Collaboration optimale

Se limiter à faire cohabiter les générations n’est pas une ambition suffisante si nous tenons compte des enjeux actuels vécus par les organisations. On se doit d’investir dans le capital humain et dans l’intelligence collective. Avoir une entreprise diversifiée n’implique pas seulement de « cocher » une case de formulaire. Favoriser la mixité des collectifs de travail selon l’âge, c’est améliorer les conditions de travail et la performance. Afin de pouvoir relever les épreuves du monde du travail actuel, le leader doit pouvoir compter sur son équipe. Donc, le gestionnaire a la responsabilité de faire collaborer ses membres afin de tirer profit des compétences de chacun et du potentiel collectif. Au lieu de s’opposer, les générations doivent apprendre à se compléter!

« Une civilisation se construit par l’apport successif de générations prenant appui l’une sur l’autre comme les pierres d’un édifice »

André Frossard
Stéphanie Crites
 
Stéphanie Crites, C.O

Leader en développement professionnel, coach et conseillère d’orientation chez EPSI

Références

Lagacé, M., M.-È. Boissonneault et T. Armstrong (2010). « La cohabitation intergénérationnelle au travail : des questions de perceptions intergroupes et de transfert des connaissances», Télescope, vol. 16, nº 1, p. 193-207.

Pijoan, N. Chevance, A. (2012) Coopérations intergénérationnelles : Quels outils mobilisés pour quels objectifs ? Une analyse des accords et plans seniors en Bretagne, La Revue des Sciences de Gestion 2012/1 (n° 253), pages 69 à 78

Saba, T. (2009). Les différences intergénérationnelles au travail : faire la part des choses. Gestion, Montréal Vol. 34, N. 3

STATISTIQUES CANADA. « Les générations au Canada », dans Recensement, [En ligne], 2018
https://www12.statcan.gc.ca/censusrecensement/2011/as-sa/98-311-x/98-311-x2011003_2-fra.cfm

Dalmas, M. (2019) Génération Z et conception du travail : un nouvel enjeu pour la GRH. Revue inernationale de psychosociologie et de gestion des comportements organisationnels.