12 octobre 2012

L’importance grandissante du leadership global

Il appert de plus en plus clairement que les leaders de demain devront évoluer dans un contexte multiculturel complexe en pleine évolution. Ainsi, certains experts du leadership utilisent désormais le concept de « leadership global » pour refléter le fait que les leaders doivent conjuguer avec un monde changeant où la diversité des pratiques mondiales afflue. Quelques auteurs prétendent même que les distinctions entre le leadership et le leadership global s’amenuisent et qu’éventuellement tous les leaders seront des leaders globaux. En effet, le leadership global ne serait plus un domaine spécifique réservé aux quelques gestionnaires expatriés ou aux gestionnaires responsables des opérations internationales. Aujourd’hui, les leaders locaux qui œuvrent dans les pays émergents, ceux qui dirigent des employés provenant de nombreux pays différents et ceux qui servent des clients à l’échelle de la planète sont aussi considérés comme leaders globaux. De même, c’est le cas des gestionnaires qui cherchent à obtenir de meilleurs résultats par l’entremise de chaînes d’approvisionnement globales et des professionnels qui doivent interagir avec des acteurs de diverses nations.

Or, il n’existe présentement pas de consensus en ce qui concerne la définition du leadership global. Par exemple, Dalton et ses collègues définissent le leader global comme « un individu qui dirige par-delà les frontières et les cultures, dans un environnement global complexe » alors que Mendenhall et ses collègues font plutôt référence à « un individu qui apporte des changements positifs au sein d’une organisation en créant des communautés par le développement de la confiance et la réorganisation des structures et des processus organisationnels, dans un contexte complexe qui implique de nombreux acteurs de pays différents et de multiples cultures ». Selon ces derniers auteurs, tous les employés peuvent être appelés à agir comme leader global. Cela est d’ailleurs déjà une réalité au sein de certaines organisations qui s’attendent à ce que tous les employés qui interagissent avec des clients ou des collègues situés dans d’autres pays fassent preuve de leadership global.

Par ailleurs, il n’existe pas non plus de consensus en ce qui a trait aux compétences que le leader global doit maîtriser. En effet, plusieurs chercheurs proposent des modèles de compétences plus ou moins semblables, basés sur des données recueillies suite à des entrevues avec quelques supposés experts du domaine. Néanmoins, il demeure possible d’identifier quelques similitudes à travers les différents modèles :

L’efficacité interculturelle, qui se compose, entre autres, de l’habileté à communiquer de façon appropriée dans les situations interculturelles en utilisant différentes connaissances et attitudes, de la capacité à modifier ses schèmes de référence et à adapter ses comportements au contexte culturel ainsi que de l’habileté à identifier les comportements qui sont issus d’une culture particulière et à les reproduire même s’ils ne sont pas familiers.

L’habileté à gérer les paradoxes, qui se définissent comme des « éléments contradictoires mutuellement exclusifs qui existent simultanément pour lesquels faire un choix n’est pas possible ou nécessairement désirable1 ». Les paradoxes sont des expressions inévitables des changements mondiaux et de la complexité grandissante auxquels sont confrontés les leaders. Ceux-ci doivent donc apprendre à les gérer en temps réel, en jouant des rôles qui peuvent paraître contradictoires.

La capacité à apprécier le caractère unique des individus, puisque les stéréotypes négatifs peuvent devenir un obstacle majeur au leadership global. Ainsi, les leaders efficaces doivent éviter les préconceptions rigides à propos de groupes d’individus, qu’ils soient définis par la race, la religion, le sexe ou toute autre caractéristique. Le processus pour se défaire des stéréotypes demande du temps, des efforts et un sérieux travail d’introspection. Par ailleurs, l’appréciation du caractère unique de chaque individu exige une certaine curiosité à l’égard des autres, la capacité à donner toute son attention à une personne et la volonté de vouloir comprendre les groupes auxquels celle-ci appartient.

Ainsi, ceux et celles qui aspirent à devenir des leaders globaux devront développer tout un répertoire de compétences relationnelles, cognitives et de gestion. Pour ce faire, ils devront nécessairement acquérir une certaine expérience, notamment en faisant des essais et des erreurs, en prenant des risques, en étant appelés à travailler à l’international ou à travailler avec des équipes multiculturelles. Ils pourraient aussi développer certaines compétences en participant à des programmes d’échange ou de rotation, à des équipes qui travaillent au niveau mondial et en participant à des programmes de formation portant sur la communication dans un contexte de diversité culturelle, des programmes de développement des leaders globaux ou à des formations interactives portant sur la résolution de conflit, notamment en prenant compte la culture.

Bref, toutes les organisations auraient avantage à amorcer dès que possible une réflexion sur le style des leaders qui les dirigeront dans le futur.
En effet, bien que tout un chacun peut devenir un leader global, les leaders globaux efficaces de demain seront ceux qui auront été identifiés aujourd’hui et qui auront l’occasion de développer leurs compétences au préalable.

Philippe Longpré, Ph. D. (cdt)
Stéphanie Mélançon, MSc (cdt)

1Traduction libre de Cameron & Quinn, 1988, cité dans Holt &Seki, 2012, p.202.

Références

Chhokar, J.S. et al. (eds.) (2007). Culture and Leadership across the World: The GLOBE Book of In-Depth Studies of 25 Societies. Mahwah, NJ: Lawrence Erlbaum.
Dalton, M., Ernst, C., Deal, J., et Leslie, J. (2002). Success for the new global manager: How to work across distances, countries, and cultures. San Francisco, CA: Jossey-Bass.
Gundling, E., Hogan, T., etCvitkovich, K. (2011). What is global leadership: 10 key behaviors that define great global leaders. Boston, MA: Nicholas Brealey.
Holt, K. et Seki, K. (2012). Global Leadership: A Developmental Shift for Everyone. Industrial and Organizational Psychology, 5, 196-215.
House R.J. et al. (eds.) (2004). Culture, Leadership, and Organizations: The GLOBE Study of 62 Societies. Thousand Oaks, CA: Sage.
Mendenhall, M.E., Osland, J.S., Bird, A., Oddou, G.R. etMaznevski, M.L. (2008). Global leadership: Research, practice and development. New York, NY: Routledge.